Attention FragÎles - protéger les dunes des Iles-de-La-Madeleine

En plein coeur du Golfe du Saint Laurent, les Iles-de-la-Madeleine sont constituées d'une quinzaine d'îles et îlots, dont 7 sont reliés par d'étroits cordons de sables : des tombolos. Formant un croissant allongé sur 65 km, orienté Sud Ouest/Nord Est, sa superficie est de 202 km².

Les dunes y couvrent 30% du territoire et forment la quasi totalité de la pointe de l'Est et les relient entre elles. Ainsi, les habitants peuvent circuler d'une île à l'autre. Mais ces dunes sont aussi à l'origine des lagunes et des bassins, elles permettent de ralentir l'érosion des côtes en absorbant l'énergie des vagues. Elles servent également d'écran protecteur contre les inondations et l'ensablement des routes, habitations, milieux humides et forêts. Elles protègent certaines nappes souterraines d'eau douce de l'archipel et enfin, fournissent un habitat essentiel à de nombreuses espèces animales et végétales ; et permettent à près de 50'000 oiseaux migrateurs de faire halte ou de nicher aux îles.

Mais aujourd'hui, 70% des côtes sont en érosion et une étude sur la sensibilité du littoral prévoit que d'ici 2050, le recul des côtes sableuses seraient d'environ 80m. Ce phénomène d'érosion est accentué par le réchauffement climatique. L'épaisse couche de glace qui recouvrait jadis les rivages est moins présente, sinon carrément inexistante certains hivers. Elle joue donc moins son rôle de protection des rives. Le couplage des données météorologiques et l'érosion des côtes a été démontré dans de nombreuses études (Sensibilité des côtes et vulnérabilité des communautés du Golfe du St Laurent aux impacts des changements climatiques de P. Bernatchez). En outre, il a été aussi démontré que les ouvrages de protection rigides ont entraîné une réduction importante de la largeur des plages sur les côtes meubles des Iles-de-la-Madeleine.

Ainsi, c'est de 0,5 à 1% de l'espace habitable de l'archipel qui disparait tous les 10 ans. Bien sûr, il est concevable de défendre des zones abritant des infrastructures vitales : routes reliant les îles entre elles ou encore l'hôpital (menacé de tomber de la falaise d'ici 2050). Ailleurs, le repli est une solution d'évidence. Déjà, des tronçons de routes ou des maisons ont été déplacées. Ici plus qu'ailleurs, du fait de son insularité, l'érosion côtière est exacerbée. Le débat technique devient alors un débat de société.

C'est pourquoi, un mouvement citoyen est né en 1988, Attention FragÎles est un organisme de bienfaisance québécois à but non lucratif. Sa mission est de contribuer à la responsabilisation environnementale de la population, des acteurs du développement et des visiteurs des Iles-de-La-Madeleine en réalisant, en soutenant ou en encourageant des comportements respectueux de l'environnement. Il regroupe 105 membres.

Il y a 4 ans, ce groupe environnemental a réuni 437 madelinots pour restaurer les brèches dunaires, nettoyer les plages et découvrir la vie que recèle la plage. Ce projet de mobilisation citoyenne nommée "J'y mets mon grain de sable" a été une belle réussite. La restauration du milieu dunaire s'est déroulé de 2009 à 2011 : pose de fascines, de ganivelles, repiquage de plantation ou encore mise en place de tapis en fibre de coco. Attention FragIles a su au delà du projet lui même, réfléchir aux préconisations pour les années futures. Tout cela dans une volonté citoyenne d'entretenir, de pérenniser et de garder une cohérence à la restauration de ces milieux si fragiles et essentiels que sont les dunes.

Les représentants des communes des Iles-de-la-Madeleine peuvent aussi désormais trouver des mesures socialement, écologiquement et économiquement responsables pour s'adapter à l'érosion. Ainsi, une somme de 100'000$ en provenance du cadre de prévention a été investi dans le plan directeur par le gouvernement du Québec. Ce plan dresse un portrait précis du littoral madelinot et permet de cibler et de prioriser les interventions sur la côte en fonction des enjeux de l'espace du littoral de la municipalité. Cette concertation permettra d'éviter des actions qui pourraient nuire à la dynamique côtière de l'archipel et avoir des impacts néfastes et permanents sur le paysage identitaire de l'archipel. Ce schéma d'aménagement et de développement souligne l'importance d'une cohésion des politiques et des différentes échelles administratives du Québec : " Le paysage doit être vu comme un bien public, un patrimoine collectif, exigeant des interventions de la part des autorités qui ont la responsabilité de gérer l'organisation du territoire. A ce chapitre, le palier municipal, avec les pouvoirs qui lui confère la Loi sur l'Aménagement et l'Urbanisme figure toujours au premier plan. Ainsi, le conseil d'agglomération demande aux municipalités de mettre en place rapidement des outils particuliers, par exemple les plans d'implantation et d'intégration architecturale (PIIA), pour assurer une meilleure intégration de l'habitat au milieu naturel." (Joël Arsenenau)

Ce schéma d'aménagement et de développement a donc permis aux collectivités locales de developper une réflexion commune avec scientifiques (Université de Québec ; Ouranos : réseau d'experts spécialisé dans les impacts du changement climatique sur les berges du St Laurent), politiques et associations dont Attention FragÎles. Il donne des pistes de réflexion globale sur l'avenir des Iles-de-la-Madeleine et permet d'orientater au mieux l'aménagement madelinot dans son environnement riche et fragile. En effet, l'enjeu est bien celui-ci : aménager le territoire et planifier le développement local sur un espace insulaire où le trait de côte recule. Une richesse si fragÎle !

Photo E.Marchand