Les îles des espaces géographiques particuliers

"Les îles paraissent à côté des continents lents à émouvoir, des organismes à sang chaud, plus vivants, susceptibles de briller rapidement d'un éclat extraordinaire, mais plus fragile. Plantées en avant-garde, souvent disputées, théâtre d'expériences économiques qui les absorbent toutes entières, elles peuvent faire figure de laboratoire de progrès." (J. Blache, 1936)

Les analyses de géographie développées se sont souvent attachées à trouver des fonctions aux îles et à comprendre les dynamiques qui les animent. La définition de l'île est souvent pourtant restée banale : "Etendue de petite dimension entourée d'eau" (Staszac, 2003) mais aussi "un tour de côtes, un circuit de rivages (...), en second lieu, une surface terrestre sur laquelle jouent souverainement les influences de la mer (...) enfin, un domaine voué à l'isolement et à toutes ses conséquences." (Febvre, 1970). Certains spécialistes des espaces insulaires reconnaissent volontiers que : "le caractère premier d'une île est d'être unique et de ne ressembler en apparence à aucune autre." (Doumenge, 1984)

Mais le développement des moyens de transport tant nautiques qu'aériens a bouleversé la problématique de l'accessibilité, de l'éloignement et de la périphérie des îles, même petites. Ce qu'elles conservent c'est leur rôle primordial dans la construction d'une réflexion sur la maritimité, c'est à dire dans la complexité des rapports que les hommes entretiennent sur le plan imaginaire et de la symbolique avec la mer et les milieux terrestres qui sont sous son influence. Les îles exagèrent les phénomènes biologiques et sociaux. Ce sont des petits espaces où il n'y a de place que pour l'essentiel. Les îles, même les plus éloignées des côtes évoluent avec un effet de miroir grossissant les autres espaces. Elles amplifient les traits, elles marquent plus nettement les ruptures. L'ile est un "objet géographique" exceptionnel puisqu'elle est le seul espace à ne pas être découpé dans un espace plus vaste que lui.

La mer joue bien entendu un rôle essentiel mais qui a été différent selon les époques :

• jusqu'à la Renaissance, les îles sont essentiellement productrices de mythes avec l'océan comme cadre
• au XIXe siècle, les activitées liées à la mer prennent un essor rapide, l'île est considerée commela quintessence du maritime
• à la fin du XXe siècle, avec la banalisation des espaces, l'île a tendance à devenir un véritable géosymbole planétaire, celui d'une unicité et d'une liberté préservés par l'océan.

Aujourd'hui, les îles sont de mieux en mieux reliées au continent et de plus en plus, dépendantes économiquement de la "grande terre". Tout se passe cependant, comme si ce qu'elles avaient perdu en insularité, elles l'avaient regagné en îléité, en idée d'île. Idée à préserver car l'enjeu est bien là : allier ses différentes dynamiques territoriales même contradictoires entre protection du patrimoine naturel, maintien d'une vie locale sensible et nécessaire encadrement du tourisme.